Noël en Martinique, ça sonne parfait.
Ce fut, paradoxalement, après tant de semaines sur la route,
le coup de blues du voyage avec malgré tout de belles rencontres et de beaux paysages…
Arrivée en forêt
L'arrivée à Ste Anne c'est toute une expérience pour chaque marin ayant traversé… C'est assez déroutant. De jour : une forêt de mats ; comme de nuit : une nouvelle constellation. C'est un mouillage aussi grand et aussi peuplé qu'une petite ville, il y aurait un millier de bateaux et autant au port du Marin situé juste derrière. Et ça se voit! Et ça te donne pas du tout envie de t'y engager… Après toutes ces heures seuls sur l'Atlantique à scruter l'horizon et tendre l'oreille vers l'AIS tu te dis que merde l'océan est vachement grand pour que tous ces bateaux soient arrivés là sans que t'en ai vu un seul alors qu'ils sont tout partis à peu près à la même période en suivant à peu près la même route…! Oublié le petit exploit écologique personnel "J'ai traversé à la voile" : la plaisance est une plaie qui détruit les coraux et les herbiers des tortues à coup d'ancres et déverses des tonnes de caca et de fioul devant des plages paradisiaques.
Enfin, on est bien obligé, comme tout le monde, car le Marin c'est LE port des Caraïbes. Le plus grand et le plus pratique pour faire des réparations, ce que tout bateau est obligé de faire à un moment donné.
Et il faut avouer que, malgré tout ces mâts, ça reste étrangement sympa. Finalement tu trouves toujours à poser ta pioche, c'est assez espacé en réalité et il y a énormément de turn over - à part quelques romanos sédentaires. Puis comme tout le monde est là, c'est le rendez-vous des bateaux-copains. Des équipages que t'avais quitté au Sénégal ou au Cap Vert et que tu retrouves là, comme on s'était promis, de l'autre côté. Du coup, ça a son charme… C'est le pendant de Mindelo aux Caraïbes. Et puis la petite ville est chouchou comme tout, la plage tout simplement renversante.
Sainte Anne donc.
quand t'as pas dansé depuis 20 jours
Comme je l'ai dit précédemment Saint Anne est un petit village très mignon en bout de Martinique. Tu y trouves de tout pour une arrivée parfaite après la longue traversée : une laverie d'abord (parce que le sel c'est la misère de la guerre) - pas si facile à dégoter n'est-ce pas Vennec? Un supermarché ensuite. Un bon glacier, c'est important. Des restaurants, des bars et de la fête. Il y a aussi la plage mais j'en profiterai plus tard.
La Barbade était une escale. A présent, nous sommes réellement arrivés à destination puisque c'est ici que les équipiers débarquent. Mais pour l'heure, nous avons une dernière soirée d'équipage en ville avant que chacun entame un nouveau programme.
J'ai passé la journée en solo à zoner entre restaurant, plage, café, plage mais je retrouve Vennec pour l'apéro. Il y a des habitudes ancrées même si on troque volontiers la bière roulis bateau contre le ti-punch pieds dans l'eau. Nous retrouvons les deux lascars dans un autre bar-restaurant. Chacun est content, Arnaud & Cédric ont trouvés une chouette location pour accueillir leur famille pour le réveillon, moi j'ai une petite chambre pas chère avant le camping et Vennec va pouvoir décompresser tranquille. On boit bière sur bière, cacahuète sur cacahuète, on se félicite de notre réussite atlantique, on s'échange des compliments. Puis on passe à table, on commande du vin et je suis ravie de mon tartare de poisson, divin. A ce stade, je suis déjà pour ma part bien badaouet - pompette en breton. J'ai appris que ces fameux buveurs de l'ouest n'ont pas moins d'une dizaine de mots dans leur langue pour décrire chaque nuance d'ivresse… comme c'est étonnant! Bref, sur le chemin du retour on passe devant ce bar où il y a un concert. J'ai pas mal tanné les gars que je voulais danser, danser, danser, et comme Cédric et Arnaud ne sont pas les dernier des fêtards : on entre. Le capitaine abdique assez vite et rentre au bateau, lui la danse c'est pas son truc. Nous autre faisons la fermeture. Je suis beaucoup plus que badaouet à présent. J'ai bu et dansé tout mon saoul, cassé sur la piste plusieurs bières qui ne tenaient plus dans mes mains… Heureusement, nous tombons sur Denis, un jeune français qui a son bateau aussi au mouillage et qui nous offre le trajet en annexe. Autant vous dire que ce n'est pas grâce à moi qu'on l'a retrouvé le bateau, pour ma part ça relevait du miracle de le voir apparaître. Bref, nous avons bien célébré la fin de transat.
chill chez Évelyne
C'est une chambre d'hôte minuscule au milieu des calebasses avec Vanille comme chien - sans poils, ça existe et ce n'est pas un croisement - de garde - mais elle est bien trop gentille. Mon hôte, Evelyne, est une ancienne baroudeuse à la soixantaine. Elle est bavarde comme pas deux et très rigolote, je l'aime, on s'entend bien. Elle m'invite à déjeuner avec elle son couscous dont elle rêvait déjà depuis quelques jours. On discute de voyages, des hommes, des îles, du boulot, de son jardin. J'ai l'impression d'être avec une vieille copine. Elle me dépanne pour tout. M'emmène chez le voisin pour rincer ma tente qui a pris le sel (je hais le sel, je le hais), me coupe de l'aloe vera de son mini jardinet pour panser mes énormes ampoules, séquelles de la danse enflammée pied nus de la veille. Quand je reviendrai tard le lendemain de Fort-de-France, elle me proposera de rester une nuit de plus pour le prix du camping. Une perle.
Sa maison n'est faite que de récup, peinte en bleu et blanc avec des coraux en décoration et des calebasses comme pots de fleur, lampes, assiettes… Evelyne a aménagé tout un ingénieux système de paravent car elle dort dans le salon pour pouvoir louer sa chambre aux touristes. Je suis à quelques minutes à pied de la plage, à 15 min du centre ville.
C'est le chill chez Evelyne.
l'épique épopée de la cb, vol. 1
Si vous vous souvenez bien, je me suis fait voler mon porte-feuille au Cap Vert avec ma carte bleue dedans. Depuis je vis aux dépens de Vennec et de mes équipiers que je rembourse par virements. Juste avant de prendre le large pour l'Atlantique, j'avais fait opposition et contacter ma banquière pour qu'elle s'occupe de me faire parvenir ma carte bleue en Martinique à l'agence de Fort de France. Elle avait tout le temps de la traversée…
Je ne m'étalerais pas en mépris de ses compétences mais toujours est-il qu'en ce 23 décembre, après avoir pris le bus, fait du stop et puis un taxi collectif pour atteindre la ville, fait la queue pendant plus d'une demi-heure à la BNP : rien. Ils n'ont jamais entendu parler de ma carte. C'est fou comme je sentais le coup fourré. Je bous. J'ai la rage contre ces banquiers que je paye pour qu'ils utilisent mon argent et qui sont incapables d'assurer un service. Pas compliqué le service en plus. Un envoi postal entre agences. Petit coup de stress en plus car la BNP Antilles-Guyane est détachée de la BNP métropole donc je ne peux pas retirer de sous avec ma carte d'identité, ils n'ont pas accès à mon compte. Heureusement, j'ai un vieux compte à la poste ouvert par les grands-parents - double fois merci, si je voyage c'est bien grâce à vous! Je retire le maximum histoire de voir venir… Et je me mets d'accord avec les parents pour qu'ils m'envoient leur deuxième carte bancaire vu qu'en plus de ça, ma merveilleuse banquière est injoignable. Mais genre injoignable. Tout le monde lui coure après entre le service général BNP, l'agence de Redon des parents, l'agence de Fort de France qui est maintenant au courant. La seule fois où elle me rappellera, une semaine plus tard, ca sera à 9h du matin en France donc 4h du matin pour moi, bien qu'elle sache que je suis aux Antilles… Une perle. Mais pas dans le bon sens celle-ci.
Ma petite excursion me vaut tout de même le plaisir de visiter Fort de France qui est assez mimi avec de jolies vieilles bâtisses créoles et une magnifique bibliothèque!
Noël solo baigner coco
C'est Noël. Et la famille me manque. J'ai le blues. Pas bien étonnant que ce soit ces jours-ci où vienne le vague à l'âme après 6 mois de voyage. J'ai passé un seul Noël hors famille et c'était un fiasco... Même si on avait bien rigolé finalement avec Ben à errer dans les rues désertes de Santa Cruz de Ténérife pour manger une pizza kebab faite par des chinois, le seul resto d'ouvert de toute la ville. Mais c'était seulement l'histoire d'une semaine.
Après tout ce temps là, Noël loin d'eux c'est le coup dur. Parce qu'il n'y a que les aigris pour te dire qu'ils n'aiment pas Noël et déblatérer un discours sur la société de consommation… Comme si c'était ça la société de consommation. Si on n'a pas de famille c'est plus compliqué, quoiqu'on peut s'en choisir une. Y'a pas de règles, y'a qu'à voir Harry Potter ^^ Je ne suis pas chrétienne. C'est juste que je comprends pas pourquoi on n'aimerait pas bien manger, bien boire, offrir et recevoir des cadeaux. Qui n'aime pas ça? Faut être un peu maboul… On dirait que c'est comme une réaction allergique à la joie. Comme s'il y avait un piège caché quelque part à être heureux, genre on me l'a fait pas. Tu manges ce que tu veux avec qui tu veux en offrant ce que tu veux. Tu peux la détourner comme tu veux cette fête mais les principes de base ce n'est que du bonheur… Je ne vois pas le mal à se faire du bien en conscience. Profonde incompréhension envers les aigris de Noël. Pardon. A ce stade de mon moral ça devient presque une colère rancunière.
En vrai, je me fiche même du repas et des cadeaux, Noël pour moi c'est juste la seule date de l'année où l'on sait avec certitude qu'on va se retrouver tous les cinq. Et avec Mathilde à Lyon, Marie à Paris, les parents entre Corse et Bretagne et moi n'en parlons pas... Et chacun avec des vies bien remplies, ça n'arrive pas si souvent de se retrouver tous les cinq. C'est vrai que ça crie, ça s'engueule, ça clash, ça soupire… mais qu'est-ce qu'on rit et qu'on est bien quand même tous les cinq. C'est pourtant moi qui ait choisi. Assume. Ils sont dans le Finistère sous la pluie et moi je suis sur une plage de rêve sous les cocotiers. Assume. Relativise. C'est qu'une date. J'assume. Mais dans la douleur. Je fais la rando du cap, 27km. C'est vraiment beau, c'est changeant : plage des Salines - un rêve, mangroves, falaises, savane désertique, cactus… Je fais des photos et je pleure sous les cocotiers, littéralement. Et Marie que je ne verrais même pas au Mexique! 9 mois sans la voir, comment est-ce possible?!? Clairement rien ne me manque de la France si ce n'est ces quatre là. Au final, je me fiche complétement du reste, de la fondue, de la langue, des lieux... et j'ai l'habitude d'être loin de mes amis. Je peux largement me passer de tout ça pour un an. Mais ces quatre là… J'avoue. C'est le point de faille, c'est le drame.
Noël solo baigner coco, pour moi, c'est pas la panacée.
Je rentre avec un sérieux mal aux pattes, c'était long! Je récupère mes affaires chez Evelyne déjà partie réveillonner. Je monte la tente au camping et je sors tenter de trouver un resto. Par un merveilleux hasard, je tombe sur Caro, Hervé et toute la smala sur la petite place centrale. Une famille, merci! Ce n'est pas la mienne mais c'est la meilleure des substitutions! Comme c'est les plus gentils, ils m'invitent évidemment tout de suite à réveillonner avec eux à bord : foie gras, champagne, saumon et chutney d'oignons (un délice de Caro). Ca y est, c'est finalement un peu Noël tout de même. Hervé me ramène à terre et je retrouve Vennec pour un dernier verre, demain je pars pour la Guadeloupe. Nous rejoignons tout un groupe de voileux pour finir la soirée et puis il est temps de se dire au revoir.
Ca y est, Noël est passé. La transat aussi. La Martinique aussi.
Enfin pour cette fois puisque ma carte est toujours dans la nature.
Demain, nouveau départ, nouvelle aventure : c'est la Guadeloupe et la plongée.
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