Jungle, boue, dénivelé, chaleur et humidité...
La balade tropicale c'est pas de la tarte!
Pour de belles idées randos et toutes les infos utiles, allez voir le site Zoom Guadeloupe, une mine!
Je pioche beaucoup de mes randonnées en terre française dans la liste des courses proposées pour passer l'examen probatoire pour la formation AMM (Accompagnateur Moyenne Montagne). Comme c'est pour l'examen, ces randonnées sont toujours d'un niveau assez élevé et plutôt mythiques. Ils proposent plusieurs itinéraires pour chaque massif montagneux avec trace GPX à télécharger puis importer dans un logiciel ou une application de randonnée. Pour ma part, j'utilise ViewRanger sur mon smartphone. Elle fonctionne gratuitement avec des fonds de cartes libres, mais j'ai investi une vingtaine d'euros pour avoir aussi les cartes IGN françaises. Cette application me plaît bien car j'y suis habituée mais c'est tout à fait l'équivalent d'autres comme Iphigénie.
La Soufrière, prévue-imprévue
Avec Youena et Franck on s'était dit qu'on y grimperait ensemble. La météo n'ayant pas l'air favorable ce matin là, je pars toute seule dans l'idée de marcher ailleurs, plus proche de la maison. Je commence le stop. Je suis presque immédiatement récupérée par deux jeunes néerlandais qui vont à... la Soufrière. Si elle m'appelle autant ça serait péché de ne pas y aller... Que la Soufrière soit!
Mes deux néerlandais, dont il m'est impossible de vous retranscrire leurs noms si bizarres à nos oreilles latines, sont très cool et m'adoptent pour la journée. Ils ont autour de 27 ans, l'un travaille sur Saint-Martin dans le bâtiment et l'autre est plus baroudeur que travailleur. Il trouve des p'tits jobs pendant ses voyages, par exemple comme ranger dans un parc national en Nouvelle-Zélande. Not bad. Il me racontera qu'une de ses journées consistait à se faire hélitreuiller, puis de redescendre la rivière à pied - plusieurs heures de marche - en comptant une certaine espèce de canard : il en avait compté 3.
Nous discutons ainsi de nos vies, nos voyages, nos envies pendant le trajet voiture, puis l'ascension et la redescente. Ils blaguent en me désignant comme leur guide française. Je leur traduit les rares panneaux moussus le long du chemin. La montée du parking des Bains Jaunes n'est pas bien longue, surtout avec deux sportifs. Nous mettrons une heure pour atteindre le cratère dans les nuages, alors qu'on le voyait si bien dégagé lorsque nous étions à son pied. La balade est verte et jolie, assez raide, avec surement de très beaux point de vue par temps clair mais il y a beaucoup de monde sur le sentier. Pour redescendre, nous optons pour un autre itinéraire un peu plus long mais bien moins fréquenté. Une pluie fine nous cueille sur les hauteurs de ce versant mais très vite le soleil gagne de nouveau la partie en contrebas.
En redescendant du parking nous récupérons deux nouveaux auto-stoppeurs, deux tout jeunes de 18 ans, un allemand et une anglaise. En bateau-stop-transat également, ils sont au mouillage à Malendure. Nous retournons donc tous ensemble à la Dream Beach où nous prenons un pot international au soleil, les pieds dans le sable... Voilà qui clôt cette belle journée d'impro, de rencontres et de balade - ❤ -
Les chutes du Carbet
J'ai loué une voiture pour être plus autonome ces jours-ci dans mes vadrouilles. Nous nous sommes donné rendez-vous tôt le matin avec Youena & Franck pour la randonnée des chutes du Carbet, très réputée et classé parc national de Guadeloupe. J'ai dormi sur un petit parking caché mais goudronné non loin du départ. Je suis seule avec les vaches et les grenouilles curieuses, ces dernières se perchent sur les portières et je dois faire attention pour ne pas les écrabouiller. Je renoue avec mes tendances romanichelles en allumant le réchaud : cela faisait un sacré bail que je ne m'en étais pas servi! Le coin est détrempé, je délaisse la tente et lui préfère la voiture.
Je retrouve mes compagnons d'aventure vers 7 - 8 h sur un parking désert et sous un ciel de plomb. Mais c'est dans une jungle luxuriante que nous pénétrons afin d'atteindre la seconde chute du Carbet. Elles sont au nombre de trois, numérotées d'amont en aval. Nous verrons donc la seconde puis la première mais pas la troisième située plus bas que le parking principal. Le chemin est très bien aménagé en passerelles de bois jusqu'à la deuxième chute de 110 m, qui est à seulement une vingtaine de minutes de marche mais que l'on a la chance d'avoir pour nous seul. Ensuite c'est un sentier plus sportif mais bien tracé qui nous mène jusqu'à la première chute. Ses impressionnants 115 m de haut et sa roche aux dépôts de souffre rougeoyants nous apparaissent dans un furtif rayon de soleil.
J'aimerais beaucoup faire une boucle en montant rive gauche et en redescendant rive droite. L'ennui c'est que la trace GPS ne semble pas très précise et que le chemin est dit "dangereux", notamment après le passage du cyclone Maria qui a durement touché le nord des Antilles en 2017. Il doit justement grimper dans la pente un peu avant la première chute. Sur le retour de la cascade, je surveille chaque départ possible et dans ma terrible envie de réaliser cet itinéraire, j'en vois un où il n'y en a pas... Youena & Franck qui voudraient bien venir avec moi mais qui ne sont pas des super cadors de la rando restent dubitatifs en voyant me démener dans un sentier au milieu de la jungle, abrupt et boueux, que je suis la seule à voir. Ils préfèrent rebrousser chemin - heureusement pour eux ils ont toute leur tête - alors que je m'obstine sur mon chemin imaginaire. Je n'irai quand même pas bien loin car cela devient très rapidement réellement pentu et inaccessible. Mon sentier se transforme en escalade glissante entre racines, lianes et fougères arborescentes. J'admets mon erreur et redescends en continuant de scruter un départ qui apparaît bien vite et pas du tout caché sous la forme d'un panneau de bois tout vermoulu sur lequel on lit difficilement les lettres rouges écaillées " ITINÉRAIRE DANGEREUX ". C'est une trace qui grimpe sous la canopée sur environ 1,5 km pour 400 m de dénivelé avant d'arriver au col de L'Echelle. C'est une courte distance mais cela me semblera long car elle est peu pratiquée et donc peu débroussaillée : il faut sans cesse être courbé, voire ramper, pour passer ou slalomer entre les branches. Tu finis trempé car chaque feuille est lourde d'humidité. Il y a des passages de cordes, de rivières et seulement deux ou trois vues dégagées. Le tout donne une marche super ludique - mais fatigante ! Me voici enfin débouchant au col, en plein vent et brouillard, satisfaite de ce petit morceau d'aventure. En réalité, j'ai un peu de mal à comprendre l'adjectif "dangereux" car, honnêtement, c'est physique mais pas risqué. Il faut être en bonne condition et à l'aise pour monter en s'aidant des cordes en de rares endroits plus raides mais il n'y a pas de risque de grosse chute. La marche n'est jamais aérienne mais sous les arbres où on trouve des tonnes de racines et de branches pour s'aider et s'assurer.
Ma sensation rando en dessin animé ....
Je tente l'ascension de la Soufrière par le flan Est, comme indiqué mais rebrousse chemin devant les effrayants panneaux indiquant une recrudescence de l'activité volcanique avec fumerolles et gaz toxiques possibles. Tant pis, je peux faire Simba mais je ne me sens pas l'âme d'Haroun Tazieff surtout que l'intérêt est moindre : tout est est bouché par d'épais nuages. La randonnée continue donc encore un peu en mode sportif par la trace de l'échelle pour rejoindre le lieu de la citerne. Après c'est un chemin plus large qui serpente en pente douce quasiment jusqu'au parking. C'est dommage qu'il ne fasse pas mieux beau en haut même si vent et brouillard revête le paysage d'un charme mystérieux. Heureusement je ne me lasse pas d'admirer la jungle...
Et me voici au parking! Une crashpou mouillée et boueuse qui fait tâche au milieu de vacanciers en tongs & polo. Je signale à Youena & Franck que je suis toujours vivante et je fonce aux Bains chauds!
La crête des mamelles
En partant pour cette randonnée, je savais que ça serait 20 km avec 1700 m de dénivelé positif et 1300 de négatif. Une longue marche donc de montées-descentes boueuses et broussailleuses. J'ai quand même gardé mon short, je ne sais pas bien pourquoi... L'important pour marcher dans des sentiers peu tracé c'est de protéger sa peau, même s'il fait chaud. Pour la jungle, avoir un coupe-vent imperméable même s'il ne pleut pas car le contact avec les végétaux suffit pour sortir trempé. Et ce n'est pas agréable même par cette chaleur ; d'autant plus relative que sur les crêtes ça souffle fort et le froid se fait vite sentir au final.
La randonnée des crêtes est, comme celle des chutes du Carbet, une proposition piochée sur le site de l'AMM. Ce n'est pas une boucle mais un one way, je laisse donc la voiture au petit parking d'arrivée où j'ai dormi. Le matin, tôt mais pas assez, je marche et fais du stop sur la route de la traversée pour rejoindre les Mamelles, le point de départ de la marche. Je m'engage à 10 h : il ne va pas falloir traîner! Et, dès le début, le ton est donné, c'est la vraie bouillasse : ça chuinte & ça glisse...
C'est une randonnée en forêt tropicale sauvage et magnifique, des points de vue de part et d'autres de la morne sur les deux côtés de l'île. En revanche, en journée on croise peu d'animaux dans cette jungle à part les colibris si reconnaissables à leur bruit de bourdon. Il existe bien une mygale endémique côté Soufrière et on peut croiser des ratons laveurs introduits il y a longtemps - emblème du parc il fut protégé comme espèce menacée mais aussi critiqué pour la préservation des écosystèmes - mais je n'ai rien vu.
Pour suivre le dénivelé de la ligne de crête, on trouve des passages à corde ou de petite grimpe entre rochers et racines. L'entièreté du sentier est boueux : ce qui est à la fois fun et épuisant. Sur le début j'essayais de ménager mes chaussures et d'éviter de mettre les pieds en plein dedans. Mais à un certain stade cette précaution devient absurde... J'abandonne toute esquive et trace tout droit, ce qui ne s'avère pas pire. Je me suis quand même fait avoir une fois dans une zone herbeuse. Je devinais bien la flaque cachée mais sans me douter qu'elle soit si profonde... Je me suis enfoncée jusqu'aux hanches en pleine course, ça m'a fait tout drôle!
Je ne croise réellement personne. Je serais seule de bout en bout de ces 20 km. La seule marque humaine étant le refuge des Trois Crêtes et les quelques panneaux de sommets. Le chemin n'est clairement pas entretenu et je découvre dans la douleur les fameuses "herbe-rasoir" ou "herbe-couteau" dont m'avait parlé Antoine. Nomination vernaculaire traduite de l'anglais "razor grass" ou "zeb coupan" en créole et "scleria secans" pour le latin. C'est une plante liane aux longues feuilles fines dotées de petites dents recourbées. Dents minuscules mais redoutables au puissant pouvoir grippant et coupant. Dès que l'une d'entre elles vous touche, vous ne pouvez pas vous en sortir sans qu'elle ne vous arrache la peau. Elles s'accrochaient même à ma veste Gore-Tex! J'en suis donc ressortie les cuisses lardées de nouvelles zébrures parfaites pour mon camouflage Tomb Raider mais moins pour mon bronzage caraïbe...
Sur la fin, rattrapée par la nuit - qui tombe dès 18h - je me presse dans la descente. J'en coure une bonne partie avec le nombre de gamelles qui va avec ce sentier-savonnette : pas de casse et beaucoup de rigolade. Je débouche sur mon parking avant la nuit, pari tenu! Je suis assez fière d'être parvenue au bout du chemin car ce n'était pas facile du tout. J'ai le look d'une participante de courses d'obstacles ; un voisin qui sort ses poubelles me propose gentiment l'accès à sa douche extérieure. J'apprécie! Puis je vais soigner mes futures courbatures aux Bières de la Lézarde, une brasserie artisanale toute proche et très sympathique.
Écrire commentaire