Quelle fut douce et festive cette croisière aux pays des Grenadines!
Rythme caraïbe des plongées colorées et des soirées arrosées...
Mais d'abord radio ponton...
Revenue de Guadeloupe à bord du cher Lolita, je profite des relations bateaux-copains de Caro et Hervé pour trouver un embarquement vers les Grenadines.
Les Grenadines... Cela sonne comme un doux grelot sucré. Guidée par Voulzy, mes préférences de sirop à l'eau et par ce nom si joli, ces îles m'attirent démentiellement. Elles sont pour moi de ces destinations légendes : une terre imaginaire, un eden irréel. Plus proches de Barbe Bleue que de la carte que je tiens sous mes yeux.
Si proches pourtant... Je trépigne de déchirer le voile de mes rêves et caresser la crinière de cette licorne des Antilles. L'archipel composé de plus de 600 îles et îlets, est, de façon plus tangible, réputé pour ses lagons et récifs coralliens où l'on rencontrent aisément tortues, raies, requins... notamment aux Tobago Cays. Il est situé entre Saint-Vincent au nord et Grenade au sud, deux îles de taille plus importante qui s'en partage la souveraineté.
Il me suffit donc d'accompagner Hervé sur la plage de Sainte-Anne un soir pour avoir une place sur Boomerang, le catamaran de leurs amis Stéphane et Geneviève et de leurs deux enfants Camille et Charles. Ils sont pour le moment en attente de réparations au port du Marin mais doivent partir vers le sud sitôt prêts. On se donne donc rendez-vous à leur bord quatre jours plus tard, vendredi. Malheureusement, le cata n'est toujours pas en état : il manque une colle spéciale pour les vis alu dans le mât carbone, il faut tout refaire. Samedi, dimanche, lundi...
Incertitude : soit j'attends encore, soit je trouve un autre bateau. Comme je ne crève pas d'envie d'arpenter les pontons et que je n'ai pas non plus tout vu, tout fait en Martinique, je me dis que je peux bien attendre encore un peu...
Le destin voyage en décidera autrement car le soir même Steph et Gene invitent les jeunes d'à côté pour une soirée de rigolades mémorable entre ti-punch, fumette et pâtes aux cèpes. Ceux-ci mettent les voiles le lendemain pour Grenade via Sainte-Lucie & les Grenadines et ils ont une place libre à bord. Que dire... Parfait!
Le lendemain matin, je rejoins donc l'équipage du Daou Vreur, un First 38 pas tout jeune mais au charme ancien des sombres boiseries. A son bord, nous sommes quatre : Norah (qui vient du Vigan, a l'accent et la fraîcheur du sud qu'il est si bon de retrouver outre-atlantique parmi tous ces bretonnants!), Robin (que j'ai déjà croisé sur une montagne à São Nicolau, Cap Vert mais on ne s'en rendra compte qu'après coup ^^) et Alexandre (capitaine fêtard aux cheveux blonds digne de son nom - MOUTON). Robin et Alexandre, amis de longue date, sont partis ensemble depuis la Bretagne où ils habitent (Tous bretons j'vous dis!). Norah est de passage à bord pour la deuxième fois. Après les bateaux-familles, me voici équipière d'un bateau de jeunes! Pas la même ambiance, ça change et c'est chouette!
Sainte-Lucie ou l'anse des pitons
Après une glace de l'espace - vanille et macadamia, dans son cornet à la cannelle fait maison pur beurre - un thon frais grillé et une douce nuit à l'anse Caritan de Sainte Anne, nous partons tôt pour Sainte-Lucie. Un petit vent, juste assez pour avancer nous amène en milieu d'après-midi à l'incroyable anse piton. Deux impressionnants sommets couverts de jungle se dressent de part et d'autres de la plage, deux falaises sentinelles qui rapetissent le Daou Vreur accroché à sa bouée. Nous sommes un peu à l'écart des autres voiliers, en face de nous les galets et en arrière-plan un pré de vaches parsemé de cocotiers. L'eau est profonde, bleu clair. Sous la coque patiente à l'ombre un groupe de barracudas. Baignade, Débarquement. Je glane des coraux sur la plage. Quiche et crêpes.
C'est tout simplement d'autres vacances qui commencent...
Autour du mouillage, il y a la plage et son hôtel supra luxe entre jungle et sable blanc. Puis il y a la randonnée du piton, surement très belle et sportive mais nous ne l'avons pas faite. Notre manque de motivation nous a fait préférer la petite marche jusqu'à la cascade. C'est en réalité une source chaude aménagée qui s'est avérée payante en arrivant, mais pas bien chère : 10$ à quatre. Détente. Encore.
Sainte Lucie est une grande île mais nous n'avons pas poussé la visite, la visite des Tobago Cays et l'envie d'être à Grenade pour la fête de l'indépendance motivait plus notre équipage. On largue la bouée et on est partis à 16h pour une navigation de nuit jusqu'à Canouan. Organisation des quarts... Alexandre pond quasiment un tableur excel pour l'occasion. J'exagère. Mais ça roule bien : 3h chacun, échelonné afin qu'un des capitaine soit toujours sur le pont.
Canouan ou la dilution du temps
Petite molle dans la nuit mais sinon c'est du vent jusqu'à Canouan, postée au centre de l'archipel.
Nous mouillons dans la grande baie à l'eau bleue lait électrique.
Voici donc les Grenadines...
L'ambiance est à la nonchalance. Sieste post nuit de quarts. L'île n'est pas la plus touristique, loin de là. Elle abrite bien quelques complexes de luxe mais ce n'est ni Moustique - la favorite des stars - ni les Tobago - le repère des voileux. Quelques bateaux voisins dans l'immense Charlestown Bay et c'est tout.
Nous passons une bonne partie de la matinée à terre pour remplir les formalités d'entrée à l'aéroport 2 km plus loin. Celui-ci ressemble plus à un aérodrome pour jet privé qu'autre chose, hormis un petit bureau climatisé où un agent s'occupe de nous, il est complètement vide. Comme la route par laquelle nous sommes venus à pied. Nous avons croisé quelques maisons, cabanes - certaines très rudimentaires - l'entrée imposante du yacht club et puis le petit bar de plage. Rien de folichon et les choses semblent un peu à l'abandon de ce côté ci.
A bord comme à terre, la sensation d'un temps suspendu s'inscrit dans les corps. Le soleil frappe fort. Il fait chaud et sec sur cet îlet aux faibles reliefs. Je relis mes carnets de voyage et c'est la confusion… Tout se mélange encore une fois sur ces jours bateaux. Nous semblons vivre hors du temps, peu connectés, happés par un autre rythme. Au tempo des tropiques les minutes coulent doucement mais les jours filent. Les couleurs se fondent, une semaine ne fait plus qu'un tas d'heures emmêlées duquel resurgissent les même ingrédients, les mêmes activités renouvelées : un pas hors du lit, baignade matinale nue autour du bateau, matins douceur, café de 8h. Plongée dans la journée, belote en soirée au chaud dans l’alizé. Apéro rhum, thon, crêpes, pop-corn, omelette aux pommes. Une nouvelle soirée étoilée. Des raies léopards sous le bateau, la recherche d'un requin…
De la cuisine et de la faune sous-marine, voilà tout ce qui reste dans ma mémoire de ces premières Grenadines.
Les tobagos cays : le rêve retrouvé
Les Tobago forment un archipel de cays : îlots de sable ou de corail. Nous sommes mouillés dans la passe entre Petit Rameau et Petit Bateau. Au sud, il y a Jamesby d'où la vue sur le lagon est époustouflante. A l'est, Baradal où se trouve le sanctuaire des tortues. Plus loin, au delà de la barrière de corail vient Petit Tabac qui fut l'un des lieux de tournage de Pirates des Caraïbes - pour les fans, c'est l'île où le capitaine Jack Sparrow et Elizabeth sont abandonnés par Barbossa. Derrière encore, se poursuivent les récifs mais nous n'avons pas été jusque là.
On m'en avait parlé avec des étoiles dans les yeux ou avec envie et je ne peux que faire de même. Les Tobago c'est particulier... C'est de la raie et de la tortue à gogo! On voit également des tonnes de diodons près du bord où les paillotes de la plage jettent leurs déchets de poissons. Un requin rôde, son aileron noir à fleur d'eau.
Il est des endroits sous l'eau si beaux. Des forêts de gorgones ; des dédales de corail ; une couverture verte et dure qui tapisse le fond, refuge de petits poissons ; herbier à brouter pour troupeau de tortues. On plonge du bateau et nous partons en exploration. C'est d'abord Petit Rameau et ses tas de lambis - énormes coquillages - ses minis minis mangroves et sa plage d'où l'on peut rejoindre les tortues et les suivre à quelques centimètres parfois. Des étoiles de mer, des milliers de poissons dont un pierre diablement bien caché. Réputé pour être le plus venimeux au monde, il est doté au sommet de son corps de 13 épines dorsales qu'il peut dresser très rapidement pour piquer et injecter ses toxines extrêmement puissantes. Surprise et adrénaline lorsque je le devine posé sur les coraux que je longe de près. Puis c'est une pieuvre que je débusque dans un creux, son œil globuleux, seul hic de son parfait camouflage. Nous grimpons au point de vue de Baradal. Nouvelles tortues, de terre cette fois-ci. Norah se prend une épine et remet ses palmes en "protection". Sans sourciller, elle grimpe la colline ainsi. Cette fille est drôle. Enfin nous rentrons, non sans suivre une raie ou houspiller une langouste, toujours à l'affût avec excitation et angoisse d'un requin de récif que je ne verrais jamais.
Hier nous étions plutôt du côté de Jamesby, du grand mouillage et des kitesurfeurs. En bref, nous passons nos journées à fouiller le récif qui regorge de vie. C'est fascinant. Et fatigant! Surtout sans palmes, d'autant qu'il y a pas mal de courant dans les passes. Certains coraux abîmés, beaucoup, nous interrogent inévitablement : " Pour combien de temps encore? " Près des plages, tout est mort, monde blanchi d'une architecture animalière brisée. Est-ce normal? Comment était-ce, il y a 10, 20 ans?
Le soir nous nous évertuons avec Robin à apprendre la belote à nos coéquipiers. Et notamment à Norah qui ne voudrait se départir d'aucune de ses cartes - jamais, chaque pli est un arrachement - et pour qui les annonces et décompte des points resteront mystérieux jusqu'à la fin. Ses interminables hésitations, qui font perdre le fil du jeu à tout le monde - rhum et fumée aidant - ne lassent pas de nous interloquer et de nous faire rire. L'on devine, sans parvenir à comprendre, des calculs faramineux et des dilemmes cornéliens cachée qu'elle est derrière ses cartes dont elle seule connaît la valeur.
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